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Comment le réalisateur choisit son compositeur ?

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La musique de film est histoire de rencontres, celle d’une musique avec un film, d’un musicien avec un réalisateur. L’idée est de trouver la bonne personne qui, pour des raisons artistiques, conviendra au projet. Mais ce choix n’est parfois pas véritablement artistique et peut être lié au hasard des rencontres (en festivals ou en soirées), reposer sur une connaissance commune ou un ami direct, ou même sur un lien familial (Martin Rappeneau et Matthieu Chabrol pour leurs pères Jean-Paul et Claude, Carmine Coppola pour son fils Francis-Ford). À l’inverse, le réalisateur peut être séduit par la musique elle-même, que ce soit par intérêt pour l’oeuvre antérieure de l’artiste (un film ou un album) ou par recommandation d’un tiers. 



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Une collaboration artistique s’accompagne idéalement d’une entente humaine entre deux créateurs, encouragée par des goûts et affinités partagés. Il s’agit parfois, comme dans toute relation humaine, de deux tempéraments qui se complètent. Même si des caractères contraires n’impliquent pas forcément une affinité esthétique, un réalisateur expansif aura souvent tendance à s’associer à un artiste plutôt réservé, tandis qu’un musicien communicatif pourra échanger avec un auteur plus en retenue. La relation entre Bernard Herrmann et Alfred Hitchcock est un exemple de complémentarité. Le compositeur américain était romantique, parfois colérique et exalté, tandis qu’un flegme tout britannique caractérisait le réalisateur, qui compensait une vie toute en retenue par la mise en image de ses fureurs enfouies. Le musicien permettait d’exprimer la face cachée du réalisateur.

Dans cette collaboration musique et image, le réalisateur peut tout ignorer de la musique, et choisir un compositeur tout aussi ignorant du cinéma. Leur complémentarité se situe alors dans leurs savoirs respectifs, socle de leur expression. Une cinéphilie commune constitue toutefois un terrain d’entente indéniable, comme l’indique Axelle Ropert (réalisatrice de La Prunelle de mes yeux, 2017) : «C’est le côté cinéphile de Benjamin Esdraffo qui me donne une entière confiance. J’aurais du mal à confier la B.O de mon film à quelqu’un qui ne connaîtrait rien au cinéma. J’aurais très peur des malentendus et des greffes un peu tyranniques. J’ai une entière confiance en Benjamin par notre cinéphilie commune. Je sais que ce qu’il va me proposer ne sera pas aberrant par rapport au film. Des films abîmés par des B.O aberrantes, j’en ai vu. On ne se rend pas compte à quel point une musique peut casser un film. La cinéphilie profonde de Benjamin m’a ainsi vraiment donné confiance ».

Le cinéaste s’interroge parfois sur la nature de la musique souhaitée (orchestre, minimalisme, jazz, electro, intimiste, romanesque...) et arrête son choix sur un musicien dont le parcours antérieur ou la réputation correspond à cette volonté (un musicien de jazz, de musique électronique...). Il peut aussi, à l’inverse, n’avoir aucune idée précise sur la question et attendre du spécialiste qu’il questionne les besoins musicaux du film afin de faire une proposition adaptée, ou encore tout simplement faire confiance à sa capacité d’adaptation. Ce qui a permis par exemple à des compositeurs classiques, Philippe Rombi (sur L’Amant double, 2017) et Bruno Coulais (sur Le Libertin, 2000), de livrer de la musique électronique. Le compositeur peut donc intervenir soit en tant qu’expert d’un style, ou au contraire en homme de cinéma à l’écoute du film capable d’adapter sa proposition quel que soit le style. Bien-sûr, il n’est pas impossible qu’un musicien affilié à un style puisse sortir de son territoire de confort, ou bien qu’un compositeur polyvalent puisse affirmer une personnalité dans des films pourtant très divers. Jocelyn Pook (Eyes Wide Shut, 1999): « Stanley Kubrick voulait que je fasse la même chose que les musiques qu’il connaissait déjà de moi. Il voulait quelque chose de semblable. Ce que j’ai essayé de faire, mais ce n’était pas aisé, j’ai fait tellement de choses différentes. Finalement, pour Eyes Wide Shut, j’ai écrit un morceau instrumental très différent de ce que je fais en temps normal».

Un compositeur peut être désigné sur un projet parce que le réalisateur (ou le monteur) a utilisé ses musiques pendant la phase d’élaboration de son film. Pour Coraline (2009), Henry Selick a appelé Bruno Coulais car il avait mis sur ses images des musiques de Microcosmos (1996) ou du Peuple migrateur (2001). Il avait ainsi cherché qui les avait composées pour engager la collaboration. Les affiliations et correspondances peuvent être parfois surprenantes. Pour La Ligne Rouge (1998), le cinéaste Terrence Malick a choisi Hans Zimmer après lui avoir avoué que sa B.O de chevet était Le Roi Lion (1994), l’une de ses partitions. La proposition faite pour le film de guerre est pourtant fort éloignée de celle de ce film d’animation. 

Extrait de cet ouvrage : 


LA MUSIQUE DE FILM, COMPOSITEURS ET RÉALISATEURS AU TRAVAIL
(Benoit Basirico, Hémisphères Editions)

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